Comme amateurs des traditions liées au phoque au Canada, nous avons souvent droit à des regards intrigués quand nous racontons avoir participé à des événements où l’on sert de la viande de phoque. La première réaction, c’est toujours la curiosité – quel goût ça a, comment les chefs la préparent, et pourquoi ce sujet revient si souvent dans les discussions culinaires à Montréal ou à St. John’s ?
Nous avons vite compris que ce ne sont pas de simples expériences gourmandes. Ces initiatives sont liées à l’héritage, aux moyens de subsistance et, parfois, à la conservation. Et oui, déguster un plat au Caribou Gourmand ou au Kraken Cru n’a pas la même portée quand c’est la première fois qu’on voit de la viande de phoque dans son assiette.
Pour nous, tout cela relève de la culture, de la gastronomie et des traditions qui rapprochent les gens du phoque – des pratiques inuites aux journées nationales à Ottawa, en passant par des festivals bien au-delà des frontières canadiennes.
Pourquoi les phoques occupent une place spéciale dans les traditions
Les phoques font partie intégrante de la vie dans les communautés nordiques et côtières du Canada. Les peuples autochtones s’appuient sur le phoque depuis des millénaires, en utilisant sa viande pour se nourrir, son gras pour produire de l’huile, et ses peaux pour confectionner vêtements, tentes ou outils.
Les aînés inuits décrivent souvent la chasse au phoque comme un geste de respect : « Tu ne fais pas que prendre, tu redonnes, et tu utilises chaque partie. » C’est pourquoi les événements qui mettent en valeur la culture du phoque réunissent non seulement la cuisine, mais aussi les récits, l’art et le chant.
Encore aujourd’hui, le gouvernement du Canada rappelle que la chasse au phoque n’est pas seulement une pratique culturelle, mais aussi une activité encadrée :
« Le gouvernement du Canada s’est engagé à soutenir une chasse au phoque durable, humaine et bien réglementée, qui appuie les communautés autochtones, rurales et côtières du pays. »
— Pêches et Océans Canada, 2022
Les phoques apparaissent également dans les mythes et symboles à travers le monde. Dans les traditions celtiques et islandaises, on parle des selkies – des êtres mi-humains mi-phoques capables de changer de forme. Chez les Inuits, le phoque est un être spirituel qui enseigne la survie. Pas surprenant que tant de communautés aient créé des rituels et des festivals autour de lui.
Célébrations canadiennes autour du phoque
Le Canada compte quelques événements qui mettent le phoque au premier plan. Certains se concentrent sur la gastronomie, avec des chefs qui revisitent un ingrédient traditionnel pour des convives curieux. D’autres revêtent une portée culturelle ou symbolique, soulignant le rôle que les phoques jouent dans la vie côtière et autochtone.
PhoqueFest
Détail | Info |
|---|---|
Où | Québec (plusieurs villes) et St. John’s |
Quand | Chaque printemps (dates variables) |
Organisateurs | RestoMania + distributeurs de produits de phoque (Carino, SeaDNA) |
Si vous n’en avez jamais entendu parler, c’est un peu le but. Parfois appelé PhoqueFest (Grand Montréal, Québec, Sherbrooke et les Îles de la Madeleine), ce festival gastronomique relie discrètement des restaurants à des distributeurs comme Carino ou SeaDNA. Lors de la 2e édition du PhoqueFest, ce véritable festival gastronomie Québec, des chefs montréalais ont servi des plats comme le tataki de phoque, la rillette ou encore des déclinaisons inspirées de la cuisine réconfortante.
L’ambiance a souvent oscillé entre curiosité et hésitation. Au menu du Caribou Gourmand, la viande de phoque était mariée à un vin du Québec, tandis que le Kraken Cru Québec la proposait dans de petites assiettes créatives aux côtés d’huîtres – rappelant les expérimentations de l’Adelaide Oyster House à St. John’s et la liste complète des restaurants participants incluait aussi des adresses aux Îles-de-la-Madeleine et à Québec.
La viande de phoque elle-même est maigre, foncée et riche en fer – plus proche du gibier comme le cerf ou du bœuf que du poisson. Entre les mains de chefs expérimentés, elle peut être étonnamment délicate. Le restaurant Chinched à St. John’s, par exemple, a offert de la charcuterie de phoque avec le raffinement d’un bistrot européen – tout comme Salaison Limoges et le restaurant de l’ITHQ Montréal, qui ont intégré la viande de phoque dans leurs menus de dégustation.

Pour certains, cela demeure inhabituel. Mais avec des quotas gérés par des organismes comme le MAPAQ, notamment pour le phoque gris et la chasse au loup marin, l’événement présente le phoque comme bien plus qu’une curiosité – il s’intègre à une histoire culinaire canadienne plus large, qui marie tradition et cuisine contemporaine.
Journée nationale des produits du phoque
Chaque année, le 20 mai
Depuis 2017, le Canada reconnaît officiellement le 20 mai comme la Journée nationale des produits du phoque. La loi (L.C. 2017, ch. 5) est claire : ce n’est pas un congé férié, mais une reconnaissance symbolique du rôle que joue la chasse au phoque dans la culture, le patrimoine et les moyens de subsistance canadiens.
À Ottawa, les événements ont inclus des réceptions à l’édifice de l’Ouest avec des chanteuses de gorge inuites, des artisans et des chefs. Des kiosques y ont présenté des suppléments d’huile de phoque (reconnus pour leurs bienfaits en oméga-3, avec de fréquentes questions sur l’achat d’huile de phoque à Toronto et dans d’autres villes), aux côtés de canapés de viande de phoque créés par des chefs comme Nathan de Pollennation, à Terre-Neuve.
Ces rassemblements associent souvent reconnaissance politique et fierté culturelle. Des artisanes autochtones comme Cheryl Fennell y ont présenté des créations en fourrure de phoque, tandis que les dégustations rappelaient que la chasse n’est pas qu’une industrie – elle fait partie des traditions vivantes du Canada.

Pour beaucoup, la Journée nationale des produits du phoque rappelle que la culture du phoque n’est pas limitée aux communautés éloignées, mais continue d’influencer les discussions nationales autour de l’alimentation, de l’identité et de la durabilité.
Festivals du phoque au-delà du Canada
Le Canada n’est pas le seul endroit où les phoques inspirent des rassemblements communautaires. À travers le monde, différentes cultures soulignent l’importance du phoque à leur façon – certaines mettent l’accent sur la conservation, d’autres sur la spiritualité ou sur des pratiques de chasse traditionnelles.
Journée internationale du phoque
Chaque année le 22 mars
Chaque 22 mars, partout dans le monde, on souligne la Journée internationale du phoque. Elle a été créée en 1982 par le Congrès américain, principalement comme initiative de conservation. Contrairement à l’approche plus festive du Canada, cette journée met l’accent sur la protection des phoques, et non sur leur consommation.
Les zoos, les aquariums et les ONG soulignent souvent cette journée par des activités mises de l’avant avec des mots-clics comme #InternationalDayOfTheSeal. Au Canada, des écoles réalisent des projets sur l’habitat des phoques et les changements climatiques, tandis qu’en Europe, des organismes comme la Seal Conservation Society organisent des collectes de fonds et des campagnes de sensibilisation.
C’est un rappel que la culture du phoque a deux facettes : l’une axée sur l’héritage et l’utilisation, l’autre sur la conservation et la prise de conscience.

Le Bladder Festival
Bien avant les campagnes de conservation, le peuple Yup’ik de l’Alaska célébrait le Bladder Festival (Nakaciuq). Celui-ci avait lieu au solstice d’hiver. Les chasseurs gonflaient les vessies des phoques qu’ils avaient capturés, les apportaient dans la maison communautaire (qasgiq), puis, après plusieurs jours de chants et de rituels, les rendaient à la mer.
La croyance voulait que l’âme du phoque réside dans sa vessie, et qu’en la retournant avec respect, l’animal puisse renaître et revenir lors des chasses futures.
Personne n’a célébré ce festival depuis des décennies, mais son histoire survit dans les archives anthropologiques et dans la tradition orale. Pour nous, en entendre parler donnait l’impression qu’à l’époque déjà, on comprenait l’équilibre – prendre, mais aussi redonner.

Réflexions sur la nourriture, la tradition et le débat
Ce qui nous a le plus frappés? Honnêtement, c’est la diversité des façons dont les gens se relient au phoque. Dans un bistro montréalais, les chefs l’ont présenté comme une innovation culinaire – en expérimentant des plats qui éveillent la curiosité. À Ottawa, les réceptions mettaient plutôt en avant l’héritage et la reconnaissance politique, plaçant la culture du phoque aux côtés de l’identité nationale. De l’autre côté de l’Atlantique, les aquariums européens ont choisi de centrer le discours sur la conservation, tandis que dans les villages alaskiens, les récits du Bladder Festival rappelaient la spiritualité et le renouveau.
Les controverses autour de la viande de phoque existent-elles encore? Absolument. Nous avons vu des manifestations devant des restaurants, des débats télévisés et des discussions houleuses en ligne. Pourtant, en même temps, des familles de Terre-Neuve continuent de voir le ragoût de phoque comme un plat réconfortant, et les communautés inuites décrivent toujours la chasse au phoque comme une question de survie et d’identité.
Pour nous, l’apprentissage a surpassé les malaises. Nous sommes repartis avec plus de respect – pour les chefs qui osent repousser les limites, pour les leaders autochtones qui maintiennent les traditions vivantes, et pour les défenseurs de la conservation qui nous rappellent l’importance du contexte écologique. Oui, le phoque suscite le débat, mais il suscite aussi des conversations que nous n’échangerions pour rien.
Ressources pour en savoir plus
Si vous souhaitez explorer davantage la culture du phoque, voici quelques points de départ utiles :
- Canadian Seal Products – canadiansealproducts.com
- MAPAQ (Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec) – lignes directrices officielles sur les produits du phoque
- Seal Harvest – sealharvest.ca (centre d’information sur la chasse canadienne au phoque)
- Pêches et Océans Canada (MPO/DFO) – dfo-mpo.gc.ca (réglementation, quotas et science sur les phoques)
Foire aux questions
Où acheter de la viande de phoque ?
Des fournisseurs autorisés comme SeaDNA et Carino la distribuent au Canada. Certains restaurants (ex. : Merchant Tavern, Toslow, Limoges Steakhouse) l’offrent à la carte de façon ponctuelle.
Où acheter de l’huile de phoque à Toronto ?
Les vendeurs de Canadian Seal Products proposent des capsules en ligne et dans certaines boutiques spécialisées en santé. Cherchez toujours les produits étiquetés Proudly Indigenous ou certifiés durables.
La viande de phoque est-elle légale au Canada ?
Oui, elle est légale et encadrée. Le MAPAQ surveille la santé et la sécurité, et les quotas sont établis à l’échelle fédérale pour assurer la durabilité.
Est-ce que ça goûte le poisson ?
Pas vraiment. Les bons morceaux rappellent davantage le bœuf ou le gibier, avec une saveur riche en fer. Seules les coupes mal préparées ont un goût de poisson.
Note de la rédaction : Les festivals qui célèbrent le phoque rappellent que la culture n’est jamais en noir et blanc. Que ce soit en écoutant des chanteuses de gorge à Ottawa, en goûtant un tataki à Montréal ou en découvrant les récits inuits et yup’ik, le phoque revient sans cesse dans les histoires humaines. Et rien que pour ça, il mérite qu’on s’y attarde.
